Page:Noailles - Les Forces éternelles, 1920.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
34
LES MORTS POUR LA PATRIE


Répandait son furtif et pénétrant bien-être ;
Les volets dans le vent battaient sur les fenêtres
Le village était gai, sentant qu’il serait fier,
On respirait l’odeur de la gloire, dans l’air ;
Parfois, on entendait tomber les glands des chênes
Jetés par l’écureuil ; la pierreuse fontaine
De son jet mesuré, distrait et persistant.
Lavait, désaltérait ces visages contents
Qui laissaient sans regret une dernière alcôve.
Les femmes apportaient les glaïeuls et les mauves
Du verger. Les enfants se faisaient signe entre eux
Que ces aînés partaient pour d’ineffables jeux.
On s’empressait, nouant à la hâte, aux armures,
fleurs, prêtes déjà pour des tombes futures.
Les soldats se mettaient en marche. Leur maintien
Semblait prendre congé du joug quotidien
Dont nulle âme ici-bas, si Dieu l’a faite altière,
N’a supporté sans pleurs le pain et la litière…
Ils partaient, ils étaient hardis, chacun voulant
Étonner son ami par un plus noble élan,
Leurs âmes, en montant, se bousculaient sans doute
Sur la céleste voie où les héros font route.
Ils riaient. En riant, ils savaient que l’on meurt
Quand on accepte avec cette royale humeur
De courir à l’assaut comme à la promenade.
Ils mettaient leurs gants blancs devant la canonnade
Et tendaient cette main de fiancé joyeux