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DANS CETTE OPPRESSION…


Plus qu’une autre j’ai vu, fixes ou passagers,
Des yeux voluptueux, battant comme des ailes,
S’efforcer de mêler dans mes graves prunelles
Mon cœur et l’étranger.

Je voyais ces regards pleins de bontés humaines,
Calices débordant de chaude charité,
Et bien que mon exil reconnût son domaine,
Je fuyais ces clartés ;

Mais ce soir mon amour est brûlant et prodigue :
Il donnerait le monde et trouve que c’est peu.
Aviez-vous cet élan, possédiez-vous ce feu,
Quand vous aimiez Rodrigue ?

Je songe à vous, Chimène, et pour mieux m’éblouir
J’entend le frais satin d’un pigeon qui s’envole ;
Je vois, sur l’ambre clair du ciel pâmé, bleuir
La montagne espagnole.

La passion, Chimène, et la haute fierté
Veulent qu’on les accorde ou que l’amour périsse ;
Mais songez que peut-être il est quelque beauté
Dans l’entier sacrifice.