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NON, L’UNIVERS N’EST PAS…

Un blanc magnolia, à peine éclos encor,
Sur son luisant feuillage est comme un œuf de cygne.
Qu’ils sont chauds et touffus les flocons bleus de l’air !
Entends jaillir, ainsi qu’une source au désert,
Cet hosanna d’oiseaux, ces vives accordailles,
Ces grains de voix qui sont d’argentines semailles
Dans les sillons d’azur du jubilant éther !
— Au centre d’un bosquet que la chaleur abîme,
Un rayon de soleil use comme une lime
Le pâlissant lilas, dont il vient mordiller
La tiède moelle vanillée…

— Mais si ces chauds parfums, ces azurs, ces silences,
Au plaisir de ton cœur mêlent des coups de lance,
Si dans ces paradis tu soupires encor.
Si le jour exalté te hèle et te torture,
Si tu ne peux vraiment supporter la Nature
Sans te sentir plus tendre envers un autre corps,
Ô cœur religieux, un corps est une église,
Un corps humain qui rêve est un temple entr’ouvert,
Il est le vase où naît et se meurt l’univers,
Il est aussi l’unique et puissante franchise
Où tu peux te guérir du triomphant été
Au prix de la tristesse et de l’humilité…