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SI NOUS VIVIONS UN JOUR…

 

J’aimerais le moment où le puissant répit
Du sommeil accapare et baigne ton visage,
Où ton mobile esprit s’embue et s’assoupit,
Où tu dors comme le feuillage,

Comme l’humble feuillage indistinct et mêlé
Qui n’est plus qu’une part de la nuit sérieuse,
Et te voyant ainsi, sans projets, accablé,
Je pourrais enfin être heureuse !

Heureuse de ta paix de dolent animal
Où tout le grand péril des désirs humains cesse,
Et comme tout de toi m’aurait pu faire mal,
Je songerais à ta jeunesse !

À ta jeunesse avide et qui n’avait d’égards
Pour aucun corps rêveur que le destin opprime,
Et je comparerais tes dédaigneuses cimes
À ton lent sommeil sans regard !

Je songerais à ta jeunesse combative,
Que je n’ai pas connue et dont j’aurais souffert,
Puisqu’il m’est quelquefois trop poignant que tu vives,
Ô surcroît de mon univers !