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parques ! nul cœur ne sait…


— Puisque je ne peux pas arracher à la nue
Cette dure beauté qui nourrit le désir
Sans le rassasier ! Puisque je m’exténue
À fasciner l’éther qu’on ne doit pas saisir,

Désespérons du ciel sur le sein l’un de l’autre,
Mon amour ! Laisse-moi retomber sur ton cœur,
Défions les transports de l’azur par le nôtre,
Opposons l’âme immense à l’univers moqueur.

La Nature a trompé ses flatteurs les plus tendres,
Jamais ses beaux jardins fleuris ne sont cléments
A deux corps inquiets que l’ardeur vient surprendre.
J’aime la pauvre chambre où rêvent deux amants…

Mais l’àpre volupté par qui l’être est exsangue
Hélas ! ne tarit pas notre désir ce soir,
Car rien, hormis la mort, ne laisse apercevoir
L’âme, ce fruit serré dans une double gangue
D’éphémère liesse et d’épais désespoir,

— Et j’aime mieux ton âme, ô donneur de caresses,
Dussé-je m’épuiser entre le pain et l’eau
Dans un cloître sans air, près d’une rude abbesse
Qui réglerait nos pas dans un étroit enclos.
Que l’indéfinissable et mortelle détresse
Qui suit le carnassier et langoureux sanglot !…