Page:Noailles - Les Forces éternelles, 1920.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.
21
LE CHANT D’UN ÉCOSSAIS


— Bel être, nous savons ce que ton sort sera :
Tu l’as dit l’autre jour, d’une voix gaie et grave,
Que le musicien doit être le plus brave
Et mourir devant ceux que son chant baignera
D’un flot mélodieux aux suaves méandres.
Demain, lorsque ton peuple alerte attaquera
L’ennemi enfoui dans les terreuses Flandres,
Tu siffleras cet air plein de rêve et de cendre
Qui semble distiller finement dans la nuit
La grisaille d’Écosse et son lunaire ennui :
Musique de brouillard qui perle et qui bruine !

Un cheval canadien hennit dans le lointain ;
La mer souffle sans fin son haleine saline.
— Monte-t-il jusqu’à vous, beaux astres inhumains,
Dont parfois on croirait que le regard s’incline, —
Ce chant d’un Écossais qui va mourir demain ?


Août 1915.