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RÊVERIE, LE SOIR

Et je ne sais quoi d’immolé
Fait qu’en nous plus rien ne résiste
À la faiblesse d’être triste ;
Ô langueur du cœur et des mains !

— Et je songe, parmi ce dolent examen,
À l’enfance joyeuse où tout est lendemain,
À cette certitude exacte et sans limite
D’être un hôte espéré, que tout l’espace invite,
Qui met, en respirant, le monde dans son cœur !
Je songe à la maison de campagne, amicale,
Dont les corridors sont des méandres d’odeurs.
Je songe à la gaîté d’une chambre en percale,
À cet éclatement de bonheur au réveil !
Aux rideaux contenant le poids d’or du soleil.
Je songe, en ce soir triste où j’ai l’âme épuisée,
Au jardin qui rejoint l’enfant par la croisée,
À cette immensité de soi-même, pourtant
Modeste, où l’on se sent le serviteur content
D’un Destin vague encor, mais radieux et sage,
Dont nos gestes fervents vont former le visage…