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LA PRIÈRE DEVANT LE SOLEIL

Tout ce qu’au beau plaisir la science mêla,
Je reviens devant vous, ignorante, priante,
Soleil des verts tilleuls, Soleil de l’amarante !
Soleil de la fougère et des reines-des-prés,
De la bardane d’or et des mûriers pourprés,
Soleil des clairs cailloux où pleuvent des pétales,
Soleil du romarin, soleil de la cigale !
– Soleil de l’aube rose au bord du Pont-Euxin,
Soleil d’Ino tenant Bacchus contre son sein,
Soleil du vieux cadran des petits presbytères,
Soleil de tout amour et de toute la terre !…
– Ah ! que vous vouliez bien, vous, dieu vivant, venir
Entre les volets blancs que ma main vient d’ouvrir ;
Que vous veniez, buveur des belles sources bleues,
Vers moi, brisant l’azur, franchissant tant de lieues !…
– Vous, porteur du réveil, de l’orgueil, de l’espoir,
Votre face n’est pas plus grande qu’un miroir
Où je regarderai ce matin mon visage,
Et pourtant, une telle éblouissante rage
De rayons, de plaisir, s’anime autour de vous,
Que je défaille, étant, pour mieux vous voir, debout…
– N’est-ce pas, vous savez à quel point je vous aime,
Tout mon désir nombreux et lumineux essaime
Vers l’espace où mon rêve et vous tremblez tous deux
Laissez qu’à vos cheveux je mêle mes cheveux.
Voici qu’à l’aube douce où vous venez de naître,
Toute avide de vous je suis à ma fenêtre,
Ma joie est aussi claire, aussi chaude que vous,
Quelque chose est en moi qui vous aime à genoux.