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DON JUAN DE MARAÑA

L’ENFANCE


J’étais contente alors, même dans la douleur ;
Mon regard ébloui s’ouvrait comme une fleur.
La nuit, je pressentais l’aurore aux lèvres d’ambre.
Je m’éveillais : j’aimais le papier de la chambre ;
Je cherchais à savoir s’il faisait beau dehors ;
Le soleil aux rideaux collait son masque d’or;
J’écoutais le chant calme et pesant que module
La forte, l’obstinée et paisible pendule.
Je me disais : « Il est sept heures du matin ;
Ce sera tout un jour à courir dans le thym,
Près du merisier rose et près de la cigale,
Tout un jour à goûter la feuille et le pétale,
A poursuivre la joie autour des rosiers ronds,
A danser dans l’azur avec les moucherons,
A s’alanguir soudain dans les bleus paysages,
En sentant que l’on a le plus doux des visages… »
Je savais ce que sont la paix et le plaisir.
Les cieux semblaient moins longs que l’immense avenir;