Page:Noailles - Les Éblouissements, 1907.djvu/374

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LES PINS


Tout l’espace à quinze ans par cette matinée !
C’est une aride joie, épandue, obstinée,
Un bonheur qui s’étend et se creuse sans fond,
Insaisissable ardeur qui renaît et qui fond…
Des pins montent, légers, dans la céleste écume,
Ils jettent leurs caps verts sur cet azur qui fume,
Et je contemple avec un regard transporté
Ces sublimes bacchants dispersés dans l’été !
Leur branchage léger pompe, déguste, aspire
L’éther bleu, grésillant comme une molle cire.
En vain leur tronc rougeâtre est nu, blessé, penché,
Pareil au corps saignant du satyre écorché ;
Ils logent la cigale en leur sèche mâture
Et flottent enivrés sur l’heureuse Nature !
Dans les miroitements mobiles du gazon
On croit voir haleter la moelleuse saison,