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PRIÈRE À PALLAS ATHÉNÉ


La cruauté sans peur, sans repos, sans remords,
Le désir du désir et le goût de la mort,
Et l’on défaille hélas ! sous son baiser humide...
Mais toi, ta bouche est close et ton grand cœur est vide.
Tes yeux ont la clarté du simple et frais matin,
L’insatiable honneur te fait le front hautain,
Jamais tu ne t’étends, jamais tu ne sanglotes,
L’erreur en te touchant s’évanouit et flotte,
Tu ne ris pas, tu n’as ni désirs ni langueur,
Tant tu ne peux aimer que ton immense honneur.
Par delà les coteaux où dansent tes abeilles
Tu regardes monter la gloire sur Corneille,
Dans ton rêve tranquille, interminable et lent,
On voit passer le Cid, Alexandre et Roland.
Et je brûlais d’ardeur, de rêve, d’indolence,
J’emplissais de sanglots le somptueux silence,
Quand vous m’avez appris, reine du bouclier,
Qu’un cœur voluptueux était un cœur guerrier...
— Déesse un jour, quand Mai rosira les corolles,
J’irai m’agenouiller devant vos Acropoles.
L’azur sera puissant, limpide, radieux,
Ah ! faites-moi mourir sur la terre des dieux !
On mettra dans ma blanche et lumineuse tombe
Des argiles pétris en forme de colombe,
Un miroir enroulé de jonquilles en fleur,
Et l’image d’Eros qui régna sur mon cœur.
Alors, accueillez-moi, déesse exacte et juste,
Dans vos regards sans fin, dans votre empire auguste,
Que je sois, dans la paume heureuse de vos mains,