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LE FRUITIER DE SEPTEMBRE

Petits dieux de la paille fraîche,
Compagnons de l’arrosoir vert,
Des hottes, des bêches de fer,
Gardez-moi dans la douce ronde
Que forme votre odeur profonde !
– Ah rêver ici tous les soirs,
Près des paniers, des arrosoirs,
Des doux objets du jardinage !
Ô souvenirs de mon jeune âge,
Sanglots exprimant le bonheur,
Vous voulez jaillir de mon cœur !
Je vois, je comprends, je devine
La vie aimable, douce, fine
De la nature, du verger
Où le silence vient loger.
J’écarte l’ardeur violente
Par qui ma vie est si brûlante.
– Désirs, allez-vous-en de moi !
Je danse avec les douze mois,
Avec le geai, le rouge-gorge,
Avec les dieux couronnés d’orge,
Avec la cigale au front vert,
Avec tout le ciel découvert
Qu’embaume, si noble, si bonne
La suave et calme Pomone !…