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LA SAVOIE

Je vous adore avec la part qu’on donne à Dieu.
Je ne souhaite pas d’éternité plus douce
Que d’être le fraisier arrondi sur la mousse,
Dans vos taillis serrés où la pie en sifflant
Roule sous les sapins comme un fruit noir et blanc.
Dormir dans les osiers, près des flots de la Drance
Où la truite glacée et fluide s’élance
Hirondelle d’argent aux ailerons mouillés !
Dormir dans le sol vif et luisant, où mes pieds
Dansaient aux jours légers de l’espoir et du rêve !
Ô mon pays divin, j’ai bu toute ta sève,
Je t’offre ce matin un brugnon rose et pur,
Une abeille engourdie au bord d’un lis d’azur,
Le songe universel que ma main tient et palpe,
Et mon cœur, odorant comme le miel des Alpes…