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DANSEUSE PERSANE


Que leur corps usé se repose !
Mais toi, lorsque le rossignol
Se gorge du vin de la rose
Et tombe étourdi sur le sol,

Lorsque, sous la blanche églantine,
Dans l’épais tapis des cerfeuils,
La lune emplit d’ardeur divine
Les loups, les lynx et les chevreuils,

Tu t’élances sous le beau cèdre,
Tu caresses ses noirs rameaux,
Tu danses, grave comme un prêtre,
Chaude comme les animaux !

Tu chantes, et ta cantilène
Jaillit, bondit, comme un jet d’eau,
Toute ton âme se promène
Du vallon noir au noir coteau !

Tu dis que c’est l’heure de vivre,
Que le moment de vivre est court,
Que ton Dieu veut que l’on s’enivre,
De parfum, de vin et d’amour !

Tu dis que la terre est sans joie
Pour ceux qui sont dans le tombeau,
Qu’il faut que le désir s’éploie
Comme un vautour cruel et beau !