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LA NATURE ET L’HOMME


Se traînait pour venir ramper sur le chemin ;
L’herbe fleurie était à la hauteur des mains,
On était près du champ, du sable, des insectes ;
Le buisson de lilas que la rosée humecte
Laissait pleuvoir sur nous ses bourgeons et son eau,
On était un feuillage où chantaient des oiseaux ;
— À force de toucher et d’aimer la verdure
On connaissait très bien toutes les découpures
Des plantes qui luisaient au gazon du jardin.
On était attendri de voir que, sans dédain,
Les arbres supportaient autour des branches torses
Les petites fourmis qui couraient sur l’écorce.
Le bois jetait au loin ses parfums et son bruit ;
Comme les pépins sont enveloppés du fruit
Nos cœurs étaient vêtus de ta chair odorante,
Tu ne faisais pas peur, Nature aux mains offrantes,
Notre candeur plaisait à ta simplicité ;
Tu nous laissais jouer sans crainte avec l’été
Et mordre tes bourgeons, ton herbe, ton feuillage
Comme font les chevreaux qu’on mène au pâturage.