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les malheureux


Vous, à qui la clarté ne fut jamais offerte
Dans le tumulte obscur des profondes cités,
Voici que vous serez dans la campagne ouverte
Les bras pleins de loisirs, et le vent de l’été
Fera passer sur vous l’odeur des pommes vertes.

Gens qui marchez parmi les cœurs indifférents,
Vêtus d’humilité, de surprise et de gêne,
L’âpre mort vous fera monter au premier rang
Et le printemps joyeux vous portera les graines
Du pavot orgueilleux et des lis odorants.

Vous, pour qui le soleil et la lune paisible
N’eurent point de douceur et point de bons regards,
Vous dormirez les yeux tournés vers l’invisible,
Et la prudente mort sera pleine d’égards
Pour vos corps douloureux et pour vos cœurs sensibles.