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LA DOMINATION

Et bientôt Antoine Arnault ne témoigna plus à Corinne que cette politesse élégante et froide qu’il était toujours fier de marquer.

Il écrivait à Martin des lettres peu à peu maussades, et s’irritait de recevoir de son ami de longues épîtres heureuses, pareilles à ces narrations enfantines des vacances, où tout prend de l’imprévu, du soleil et de la gaieté.

« Je le vois, pensait Antoine Arnault, je le vois, champêtre et correct, assis auprès des siens dans le jardin familial. Il sourit à ses parents, à ses neveux, à la vieille servante ; il tient la main d’une de ses sœurs et l’interroge avec bonté. Il n’a de rigueur et de tenue sociale que ce qu’il croit être de la bonne éducation ; mais son âme spontanée et naïve, son âme active et pure s’échappe, s’élance, porte secours, s’ébat et se mêle aux autres. Il est délicat, et pourtant rude, juste assez pour ne point s’effrayer de la ru-