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LA DOMINATION

en regardant en elle-même son ardeur, son obstination, sa violence, son impérieuse fierté.

Mais ce sang précieux n’expliquait point suffisamment à Antoine le miracle de son amie. Il la voyait plus diverse, plus belle encore que toute l’Espagne, dont il savait l’ocre torride et la fraîcheur, le goût de benjoin et de myrrhe, les matins roses de rosée. Elle-même, quand les forces de la nature l’enivraient d’un trop doux vertige, disait : « Je ne sais d’où je viens, où je vais ; parfois, au centre des jardins, j’entends chanter et glisser les veines universelles ; ce qui germe et ce qui meurt fait à mon oreille un bruit familier. Cybèle et Proserpine quand elles écoutaient la terre ont dû surprendre ce bruit… »

Ainsi Antoine la considérait comme la déesse féconde, et elle, orgueilleuse, penchait sur elle-même son culte naïf. Tous deux tremblaient de fièvre divine.