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LA DOMINATION

« Ma jeunesse, mon désir et ma vie n’ont point eu cet éclat ! pense Antoine. Élisabeth, songe-t-il, rose royale, fille de don Luis de Bourbon, petite-fille de don Sanche, d’Alphonse le Magnanime, des Romanceros et de Cervantès ! princesse de Tolède et de Cordoue, reine des Maures, j’ai parcouru pour vous trouver l’univers et les beaux poèmes des hommes. J’ai partout cherché une voix qui répondît à ma voix. Pendant plus de trente années, — car mon deuil date du jour où je suis venu dans le monde, — votre absence me fut aussi sensible que l’est aujourd’hui votre présence. Vous vivez, je ne veux plus rien : que m’importent à présent les jardins de Cachemire que je rêvais de voir, à l’heure où les engourdit le parfum trop fort des épineux ananas. Que me font les barques de Venise dont les couteaux d’argent me fendaient le cœur ? Que me fait Lara ou le Corsaire ou cette belle sultane