Page:Noailles - La domination, 1905.pdf/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
202
LA DOMINATION

— Ne voudrais-tu pas te marier ? suggéra-t-il. Mais tu aimes ta tristesse, put-il ajouter en voyant le geste de refus que fit Antoine.

— Peut-être, je l’aime, répondit Antoine ; je ne sais. C’est comme si j’entendais tout le temps au fond du bois profond, touffu, le cor, le son du cor, qui est la plus pleine mélancolie qu’on puisse imaginer : l’on écoute, l’on meurt, et l’on ne peut bouger…

Martin Lenôtre n’essayait point de donner à Antoine son propre bonheur en exemple ; il savait bien que l’harmonie et la paix lui venaient de son caractère et que, pour qu’Antoine les pût goûter pareillement, il lui eût fallu d’abord se dépouiller de soi-même.

— Oui, — soupirait Antoine, alourdi de passé, — que de choses mortes, déjà mortes ! Morte pour moi, la douce madame Maille, qui avait des yeux d’eau tendre, et cette tristesse de l’âge qui, près de moi, dut si