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LA DOMINATION

lution de cœur, accueillait son ami. Tous deux se promenaient dans les longues allées d’un jardin feuillu, où, déjà touchés par l’automne, des massifs d’héliotropes, de géraniums, s’éteignaient comme de belles flammes.

Le matin, l’air dépouillé des voiles de la chaleur et du soleil, donnait son parfum vif et nu. Une odeur d’eau, de buis et de violettes, humide comme un petit nuage, flottait aux deux bords des sentiers. Martin respirait doucement, satisfait de la fraîcheur comme il l’avait été des journées torrides ; mais une mélancolie profonde, un mal incomparable déchiraient l’âme d’Antoine Arnault.

— Qu’as-tu ? lui disait Martin. Tu es triste, sans raisons, puisque tu reconnais que te voilà libre, exempt de regrets, tourné vers l’avenir…

— Oui, — répondait Antoine, toujours sombre, — j’éprouve une tristesse sans