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LA DOMINATION

cates nervosités ; elle pleure et soupire, et va vraiment s’évanouir…

On pouvait la croire robuste et joueuse, habile et passionnée, mais non qui s’abandonne jusqu’à dénouer son âme, jusqu’à répandre un négligeable trésor qu’on ne lui demandait pas. Quelle revanche prend-elle de sa vie rude et comprimée, de sa claire robe fanée, de son parfum et de sa poudre à bas prix, de sa chaussure lourde sur son pied de nymphe lourde, de sa bague en petite perle sur son doigt rond, enflé ? Ah ! tout cela qui n’est point fin ni suffisamment convoité, comme elle s’en venge par sa crise de volupté, comme elle se fait précieuse par ses langueurs, par ses vapeurs ! Il faut bien qu’Antoine lui parle avec une anxieuse délicatesse, qu’il la tienne et la touche comme une Esther évanouie ; qu’il lui dise : « Je vous en supplie, je vous en conjure, ah ! mon Dieu ! qu’avez-vous ? parlez ! »