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LA DOMINATION

d’une table où s’alignent les petits sorbets roses, oranges, et que, au centre de la place, joue la musique guerrière, Antoine, d’un regard aigu comme des mots audacieux, enveloppe sa maîtresse pâlissante, que la musique enivre, et qui se trouble d’être, sous l’œil de son mari, si visiblement enivrée ; et ce regard dit nettement à la jeune femme : « Ô Donna Marie ! Quelle senteur ont donc la musique et le plaisir, pour que vous les respiriez en tremblant, en reculant, en avançant, comme fait le cheval d’Arabie quand il sent l’odeur du lion, la profonde odeur du lion rouge ? Tu sembles frêle ce soir, ma bien aimée, mais ce qui sanglote en toi, c’est la force, ta force… Le soupir qui circule en toi et qui meurt dans ta bouche, où commence-t-il, où est-il le plus fort ?… Les autres et ton mari parlent, boivent, se reposent ; tu fais semblant de les imiter, mais ton imagina-