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LA DOMINATION

rencontrée, elle se troublât. Il eût voulu ne pas la rendre, l’emmener, se charger de cette vie faible et gracieuse.

En songeant au comte Albi, il était jaloux, sans fureur, mais avec un délicat et profond chagrin. Vraiment, Antoine Arnault aimait Donna Marie, et Donna Marie, sans réserves et sans ruse, déjà fidèle, tombait chaque jour sur le cœur de son ami. Ce tendre adultère était devenu son âme, sa tâche et sa conscience ; scrupuleuse, elle demandait à Antoine :

— Est-ce que j’aurai ce bonheur de pouvoir vous rendre heureux ?

Quelquefois, il la remerciait doucement, et, d’autres fois, goûtant la saveur d’être cruel, il répondait :

— Laissez mon bonheur, Marie, ni vous ni moi n’y pouvons rien : c’est l’affaire de nos humeurs. Près de vous, que j’adore, je puis rester morne, tandis que la joie délicieuse,