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LA DOMINATION

pas à se mouvoir. Il pensait : « Je suis ici où tout finit, l’effort, le but, l’ambition ; il n’y a plus que la volupté… Point de hâte et d’ingéniosité les lentes gondoles suffisent. Ces lits vont doucement vers d’autres lits. De l’eau à la demeure, le désir se déroule et traîne. Ici l’amour, et là, l’amour : nulle autre besogne. Le gondolier le sait ; pour lui, domestique souple et polissé du plaisir, il n’y a point des hommes et des femmes ; il y a l’homme et la femme, couchés, l’un à l’autre, sur les divans noirs du tendre bateau…

Embarrassées, mal faites pour servir aux bagages, les gondoles s’approchaient du quai. Antoine Arnault en choisit une. Sur l’eau dolente, il parcourut la ville. Son enthousiasme lui perçait le cœur. Il regardait passer les autres gondoles, carnaval noir, sombres sirènes qui portent devant elles leur beau peigne d’argent.

« Hélas ! songeait-il tout, dans cette ville