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Ils avaient vécu, se regardant en souriant, comme deux êtres qui savent quelque chose que tous les autres ignorent.

Et c’était fini… Que faire maintenant ? Même si elle avait été de nouveau la petite fille blonde qu’il avait épousée autrefois, il ne pourrait plus la vouloir ; si elle retrouvait ses trente ans et le geste délicieux qu’elle avait de marcher en traînant son fils dans sa jupe, il ne s’en apercevrait plus. Il lui fallait à présent le cœur de l’autre femme, cœur sauvage, enfoui obscurément dans la chair délicate ; les yeux de Sabine étaient partout devant lui. Il les voyait d’une manière démesurée, non plus comme deux yeux tendres et beaux, mais comme des bassins d’eau sombre dans la nuit.

Pourtant, il prit les mains de sa femme, et d’une voix douloureuse qui coulait de l’âme, il lui dit :

— Si je te promets, si je te jure que rien n’est changé…

Elle, les mains molles et données, se défendait doucement d’un mouvement de tête :

— Ce n’est pas de ta faute, ne dis rien…

Lui, regardait le front fané de cette femme. Il lui tenait les deux coudes.