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Sabine écoutait, faisait à cet homme, du fond de son âme, ce cadeau d’écouter.

L’énergie de plaisir qu’elle avait dépensée depuis son arrivée l’avait affaiblie, et maintenant son attention la fatiguait, amaigrissait son visage. Elle était assise sous la lampe dont l’éclat paraissait la blesser.

Elle ne parlait plus, passait doucement une de ses mains, qu’un gant serrait, sur le bord de la table. Elle répétait ce mouvement qui ne faisait pas de bruit ; et ses genoux minces, que la jupe de velours contournait, restaient joints, allongés devant elle, inertes, emplis, il semblait, d’une grande patience…

Elle devinait, avec une ruse profonde de l’âme, que son attitude muette et morte devait irriter Philippe, qui venait de la voir vivante, mouvante. En effet, la jeune femme l’intriguait mystérieusement maintenant, comme quelque chose qu’on a vu bouger et qui ne bouge plus…

Il la regardait avec du désir et de la colère. Il lui en voulait de la lenteur soudaine, maniérée, de tous ses mouvements ; cette torpeur la rendait à la fois fragile et dure. L’épaule de Sabine apparaissait un peu aiguë sous la manche