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de l’aspiration et du désir, à la règle du rêve et de l’extrême tension des nerfs, à l’écrasement de l’équilibre physique que ne le fut l’éducation de Sabine vers sa treizième année. Retenue dans une pièce sombre et pesante, elle écrivait, lisait, jouait du piano, rêvait le soir auprès d’une gouvernante allemande nébuleuse et sentimentale, chaste aussi, et qui, entretenant son élève de la plainte éternelle de ses lointaines fiançailles et de toutes les grâces de l’amour, ne pensait point qu’elles eussent quelque communication avec le vertige et la volupté.

Mais Sabine, qui joignait à la clarté, à la précision irritées qu’elle tenait de son père français, la violence italienne du sang maternel, respirait ces souvenirs avec un haletant et vacillant plaisir.

Le soir, dans cette salle d’étude alourdie de tentures d’un rouge noir, attristée de meubles en bois de noyer, les coudes sur la table de son travail, la tête dans ses mains, le regard éclairé par la lampe, chauffé par de sourdes émotions, elle se grisait aux mélancolies de sa gouvernante, aux récits de la rencontre, du serment,