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Tout le matin c’était la fête du dieu Pan,
Et puis venait le soir, l’heure où l’âme s’ennuie,
Et songe et se désole, et parfois à la pluie
On entendait crier et s’effrayer les paons.

L’héliotrope mauve aux senteurs de vanille
Emplissait l’air penchant d’évanouissement ;
Au coup de vent du soir on voyait par moment
L’eau du bassin s’enfler en forme de coquille ;

Et quand la nuit d’argent et de fusain venait,
Toute lisse, avec, au milieu, sa lune ronde,
Les arbres allégés, les collines et l’onde
Prenaient un délicat et sombre air japonais.

— Rien n’est changé là-bas, mais j’ai changé moi-même.
Ce n’est plus qu’en rêvant que je revois encor
Ces beaux soleils, venus de l’âme et du dehors,
Près de qui, comme un flot d’abeilles qui essaiment,
Mon plaisir tournoyait avec des ailes d’or…