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Nouer mes doigts joyeux aux frisures des menthes,
Pourtant j’ai plus souffert et je suis mieux vivante,
Je t’apporte un désir plus lucide et plus vif,
Taillé comme les buis, amer comme tes ifs ;
Verse sur moi la paix que ma douleur réclame.
Mais vous parlez, j’entends, vous me dites « Pauvre âme,
Tu ne pourras jamais être aussi bien en moi ;
Il faut que tu me voies comme l’étang me voit,
Et que sans trop d’ardeur humaine tu t’emplisses
De mes reflets dansants et de mes ombres lisses.
Tu as trop de désirs, trop d’espoir et d’orgueil,
Il faut, pour être heureux, être doux comme l’œil
Du pigeon, du chevreuil, du geai, de la grenouille ;
Il faut comme le champ que l’eau de l’aube mouille,
Plier et luire au gré de mon désir mouvant
Fleurir dans mon soleil, s’effeuiller dans mon vent,
Recevoir tendrement ma brise et ma rosée ;
Tu n’auras jamais plus ton âme reposée,
Tu chercheras en moi les choses de l’amour,
Dans mes voix, mes parfums, mes ombres et mes jours,