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NOA NOA

Force me fut, en définitive, de continuer mon voyage en pleine rivière. J’avais de l’eau tantôt jusqu’aux genoux, tantôt jusqu’aux épaules.

Entre les deux murailles, qui, d’en bas, m’apparaissaient étonnamment hautes et très resserrées à leur sommet, le soleil, en plein jour, pointait à peine. À midi, dans le ciel ardemment bleu, je distinguais le scintillement des étoiles.

Vers cinq heures, le jour baissant, je commençais à me préoccuper de rendrait où je passerais la nuit, quand j’aperçus, à droite, un hectare de terrain presque plat, où poussaient pêle-mêle les fougères, les bananiers sauvages et les bouraos. J’eus la chance de trouver quelques bananes mûres. À la hâte, je fis un feu de bois pour les cuire et ce fut mon repas.

Puis, tant bien que mal, au pied d’un arbre sur les basses branches duquel j’avais entrelacé des feuilles de bananier pour m’abriter en cas de pluie, je me couchai.

Il faisait froid et ma traversée dans l’eau me laissait grelottant.

Je dormis mal.

Mais je savais que l’aube ne tarderait pas et que je n’avais rien à craindre des hommes ni des animaux. Il n’y a ni carnassiers ni reptiles, à Tahiti. Les seuls « fauves » de l’île sont des porcs qui, lâchés dans la forêt, s’y sont multipliés en