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Je crois bien que Joléfa est le premier homme au monde qui m’ait tenu ce langage, — ce langage de sauvage ou d’enfant, car il faut être l’un des deux, n’est-ce pas, pour s’imaginer qu’un artiste soit — un homme utile.

Il arriva que j’eus besoin, pour mes projets de sculpture, d’un arbre de bois de rose. Je voulais un fût plein et large.

Je consultai Jotéfa.

— Il faut aller dans la montagne, me dit-il. Je connais, à un certain endroit, plusieurs beaux arbres. Si tu veux, je te conduirai. Nous abattrons l’arbre qui te plaira et nous l’apporterons à nous deux.

Nous partimes de bon matin.

Les sentiers indiens, à Tahiti, sont assez difficiles pour un Européen, et aller dans la montagne exige, même des naturels, un effort auquel ils ne se décident pas sans nécessité

Entre deux montagnes qu’on ne pourrait gravir, deux hautes et droites murailles de basalte, se creuse une fissure où serpente l’eau§ parmi des blocs de rochers. Les infiltrations ont détaché du flanc de la montagne ces blocs pour livrer passage à une source ; la source, en devenant ruisseau, les a poussés, cahotés, puis entreposés un peu plus loin : le ruisseau les, y reprendra, plus tard, quand il se fera torrent, et les roulera, les : charriera jusqu’à la mer. De chaque côté de