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NOA NOA

Pourtant je vous : li voulus et je vous ai cherchés, flots, ô forêts, ô fleurs folles d’être vivantes, et toi, race dorée : ton âme, me fleur belle aussi, vaste, odorante, généreuse, je l’ai désirée comme une renaissance. Mais tu te gardes de moi, tu gardes ton mystère.

Me le diras-tu, un jour ?

— Ah ! peut-être à l’ombre du manguier colossal !

Ma race aussi fut grande, et elle affirmait, simplement, par des œuvres, la vertu de son cœur et de sa tête. La gloire fleurissait comme dans son jardin dans les yeux de mes ancêtres, ayant au trésor de leur pensée son germe inépuisable.

Bien que le divin soleil — de qui tout est venu, à qui tout retournera — ne leur prodiguât pas ses plus vives flammes, on était heureux à l’ombre des maisons élevées par mes très anciens ancêtres : chaque jour une fête, délicieuse ou tragique, fleurant la bonne odeur du sang et de l’amour, et aux moindres soins de la vie la Beauté présidait, sans qu’on épargnât rien pour l’atteindre et pour la retenir.

Mais les avares héritiers de ces Magnifiques, avec la passion de l’extase héroïque et du sacrifice, perdirent l’art de séduire la Beauté. Ils entassèrent dans des coffres solides les richesses conquises par les vaillants des vieux jours et, sans honte, se réduisirent, pour le quotidien de vivre, à de faux