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NOA NOA

D’un côté, la mer ; de l’autre, la montagne, la montagne béante : crevasse énorme que bouche, adossé au roc, un vaste manguier.

Entre la montagne et la mer s’élève ma case, en bois de bourao.

Près de la case que j’habite, il y en a une autre : faré amu (maison pour manger).

Matin.

Sur la mer, contre le bord, je vois une pirogue, et dans la pirogue une femme demi-nue. Sur le bord, un homme, dévêtu de même. À côté de l’homme, un cocotier malade, aux feuilles recroquevillées, semble un immense perroquet dont la queue dorée retombe et qui tient dans ses serres une grosse grappe de cocos. L’homme lève de ses deux mains, dans un geste harmonieux, une hache pesante qui laisse, en haut son empreinte bleue sur le ciel argenté, en bas son incision rose sur l’arbre mort où vont revivre, en un instant de flammes, les chaleurs séculaires jour à jour thésaurisées.

Sur le sol pourpre, de longues feuilles serpentines d’un jaune métallique me semblaient les traits d’une écriture secrète, religieuse, d’un vieil orient. Elles formaient sensible-