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répondit, — et ce fut tout : on partait ; les fonctionnaires s’entassaient dans des carrioles ; cela rappelait quelque « retour de courses ».

Sur la route, à la débandade, l’indifférence des Français donnant le ton, tout ce peuple, si grave depuis plusieurs jours, recommençait à rire. Les vahinés reprenaient le bras de leur tanés, parlaient haut, dodelinaient des fesses, tandis que leurs larges pieds nus foulaient lourdement la poussière du chemin.

Près de la rivière de la Fatüa, éparpillement général. De place en place, cachées entre les cailloux, les femmes s’accroupissaient dans l’eau, leurs jupes soulevées jusqu’à la ceinture, rafraîchissant leurs hanches et leurs jambes irritées par la marche et la chaleur. Ainsi purifiées, elles reprenaient le chemin de Papeete, la poitrine en avant, les deux coquillages qui terminent le sein pointant sous la mousseline du corsage, avec la grâce et l’élasticité de jeunes bêtes bien portantes. Un parfum mélangé, animal, végétal, émanait d’elles, le parfum de leur sang, et le parfum de la fleur de gardénia — tiaré — qu’elles portaient toutes dans les cheveux.

Téîné merahi noa noa (maintenant bien odorant), disaient-elles.