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de mentir pour cacher un Secret qui, même proféré, ne saurait perdre son caractère fatal de Secret ! Ainsi la Foret tahitienne, elle aussi, néglige de se garder : ni serpents ni fauves et sa splendeur invite, mais c’est sa splendeur même, c’est sa miraculeuse splendeur qui la défend, polychrome et multiforme éblouissement qui voile d’éclat le mystère des fonds…

— Attends ! intervient le Peintre : je t’aiderai à deviner. Je tâcherai que les tableaux te content leur histoire, la mienne, là bas, sans que les récits à l’œuvre prétendent ajouter rien, que : soulever les franges d’infini qui relient entre eux les épisodes du poëme, afin de te conduire, par le corridor de l’espace et du temps, à travers les souvenirs ou se décompose en circonstances le rêve total.

Écoute donc.

Mais n’oublie pas que tout artiste sincère est l’élève de son modèle. Ainsi ai-je voulu faire, moi-même : je tenais le pinceau, les Dieux Maories dirigeaient ma main.

Et prends garde : l’abord n’est pas si facile ! Elle est épaisse, l’ombre qui tombe du grand arbre, et l’antre est formidable, qu’il masque. Elle est bien subtile et très fugace, bien-fière et très savante, l’Eve dorée, et je n’ai pas inventé le mélange d’horreur et de joie qui fait le charme maorie. Mais sais-