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NOA NOA

Vint l’heure du coucher, et, quand nous fùmes tous deux étendus côte à côte, je dis tout à coup :

— Tu as été bien sage ?

— Oui.

— Et ton amant d’aujourd’hui, était-il à ton goût ?

— Je n’ai pas eu d’amant.

— Tu mens ! le poisson a parlé.

Téhura se leva et me considéra fixement. Son visage était empreint d’un caractère inouï de mysticisme et de majesté, d’une grandeur étrange, inconnue et que je n’aurais jamais attendue de sa physionomie naturellement enjouée, de ses traits presque puérils encore.

Une atmosphère nouvelle venait de se créer dans notre petite case : je sentais que Quelqu’un d’auguste venait de se lever entre nous. Oui, malgré moi, je subissais l’ascendant de la Foi, j’attendais l’avertissement d’en haut, et, tout en faisant un rapide et pénible retour sur la stérile vanité de notre scepticisme comparé aux certitudes ardentes d’une croyance et fût-ce d’une superstition quelconque, je ne doutais pas que l’avertissement ne dut venir.

Téhura, doucement, alla s’assurer que notre porte était bien close, et, revenue au milieu de la chambre, fit à haute voix cette prière :