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NOA NOA

— Parce que nous ne sommes pas à vendre, parce que nous nous trouvons très bien comme nous sommes, et parce que nous voulons rester nos maîtres. Nous savons, du reste, par l’exemple de Tahiti précisément, en quoi consistent les bienfaits de votre civilisation. À peine installés, vous prenez tout, la terre et les femmes, et sous prétexte d’ivrognerie, de vol, vous nous envoyez en prison pour nous donner, sans doute, le goût des vertus dont vous parlez beaucoup et que vous ne pratiquez pas. Et les amendes ! et les papiers timbrés ! et les impôts ! et les gendarmes ! et les fonctionnaires !…

— Mais qu’espérez-vous ?

— Rien. Nous savons que nous serons vaincus. Qu’importe ! Si nous nous rendions, les principaux de nos chefs seraient envoyés à Nouméa, au bagne, et comme, pour un Maorie, la mort loin de la terre natale est ignominieuse, nous préférons mourir chez nous. Ce n’est pas nous qui avons provoqué les troubles, mais il n’y aura pas de repos durable tant que Maories et Français seront côte à côte. Il faut donc nous tuer tous. Vous n’aurez plus alors à vous disputer qu’entre vous. Pour nous, nous n’avons d’autre recours que la fuite quotidienne dans la montagne.