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NOA NOA


Lieu de grandeur et d’horreur ; nudité des rites mortuaires ; là coula le sang humain : et des têtes de morts, témoignages sculptés sur la barrière qui cerne le Temple, précisent.

Vue de ce sommet, la vie — en bas, dans les jardins du rivage, si gaie, tout le jour — napperait plus fraie qu’en ses heures nocturnes, alors que les rieurs de midi se taisent et frissonnent.

Est-ce du Temple qu’ils descendent avec la nuit, les Tupapaüs, les esprits malfaisants, et qu’ils s’en vont, quand les épouvantements de l’ombre les raniment, chuchoter d’étranges paroles aux oreilles des jeunes filles ? Est-ce l’héréditaire effroi des crimes sacrés, est-ce la mort des Dieux eux-mêmes, qui marque de tant d’âpre tristesse le lieu où fut leur Temple ? Qui sait ? Mais là règne la mort et de là elle rayonne sur l’Île.

Est-ce le remords des meurtres ou le regret des Dieux, est ce le regret des Dieux ou la peur de les suivre dans la tombe noire où l’oubli les relègue, est-ce le danger d’hier ou celui de demain qui livre aux larves du mal les douces nuits de l’Île Heureuse ?

Est-ce sur le sommet on réside le Temple que Téfatou répondit aux insidieux conseils d’Hina :

— L’homme mourra !