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NOA NOA

nibale rendait encore plus horrible. Elle s’intéressait peu à ce qu’on faisait autour d’elle, immobile, rigide, presque une momie. Mais sur sa joue un tatouage, une marque sombre, indécise dans sa forme qui rappelait le style d’une lettre latine, parlait à mes yeux pour elle et me contait son histoire. Ce tatouage là ne ressemblait en rien à ceux des sauvages : il était sûrement fait de main européenne.

Je m’informai.

Autrefois, me dit-on, les missionnaires, sévissant contre la luxure, signaient certaine femmes d’un signe d’infamie, d’un « sceau de l’enfer », — ce qui les couvrait de honte : non point à cause du péché commis, mais à cause du ridicule et de l’opprobre d’une telle « marque de distinction ».

Je compris, ce jour-là, mieux que je n’avais jamais fait, la défiance des Maories vis-à-vis des Européens, défiance qui persiste aujourd’hui encore, toute tempérée qu’elle est, du reste, par les généreux et hospitaliers instincts de l’âme océanienne.

Que d’années entre l’aïeule marquée par le prêtre et la jeune fille mariée par le prêtre ! La marque reste, indélébile, attestant la défaite de la race qui la subit et la lâcheté de la race qui l’infligea.

Cinq mois plus tard, la jeune mariée mit au monde un