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Après quoi commencent les discours. Ils sont nombreux. On les récite avec ordre et méthode, et c’est un concours d’éloquence très curieux.

Puis vient la question importante : quelle des deux familles donnera un nouveau nom à la mariée ? Cet usage national, qui date de toute antiquité, constitue une prérogative précieuse très enviée, très disputée. Il n’est pas rare que le débat, sur ce point, dégénère en bataille.

Il n’en fut rien, ce jour-là. Tout se passa gaiment, paisiblement. À vrai dire, la tablée était pas mal ivre. Ma pauvre vahiné elle-même (je ne pouvais la surveiller), entraînée par l’exemple, sortit de là ivre-morte, hélas ! et ce ne fut pas sans peine que je la ramenai au logis…

Au centre de la table, trônait la femme du chef de Punaauïa, admirable de dignité. Sa robe en velours orangé, prétentieuse et bizarre, lui donnait vaguement l’air d’une héroïne de foire.-Mais la grâce incorruptible de sa race et la conscience de son rang prêtaient à ces oripeaux je ne sais quelle grandeur. Dans cette tête tahitienne, aux fumets des mets, aux odeurs des fleurs de l’Île, la présence de cette femme majestueuse, d’un type très pur, ajoutait, me semblait-il, un parfum plus fort que les autres et dans lequel ils s’exaltaient tous.

À son côté se tenait une aïeule centenaire, affreuse de décrépitude et que la double rangée intacte de ses dents de can-