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nale et de féodalité, d’importance sociale, de richesse publique et privée, il fut, dans la nuit ancienne, un temps de Dieux et de héros.

Matamua ! Alors la race autochtone régnait sur les Iles et les Eaux réjouies d’adorer les Atuas[1] universels, et Taaroa, leur père, et Téfatnu, le roi de la terre, et Hina, déesse de la lune. Alors les prêtres sanglants prélevaient sur la vie généreuse la dîme essentielle du Sacrifice. Alors les femmes étaient honorées, plus d’une ayant été choisie pour le baiser divin, et maintes traditions attestaient que les mères de la race lui avaient mérité, au prix d’elles-mêmes et de rituels massacres dans le temple ouvert au sommet de l’Île, l’origine céleste : au prix de massacres rituels qui ne devaient, à travers les âges, point cesser, afin que ne cessât point la Race.

Mais les âges s’éboulèrent, et, un jour, l’homme blanc apparut, l’ennemi des Dieux. Il interdit les sacrifices, et bientôt l’on vit la race forte dégénérer, s’étioler. Et bientôt elle ne sera plus.

À ses derniers survivant les missionnaires chrétiens s’efforcent de faire une âme et une chair chrétiennes ; et les marchands leur enseignent le travail forcé, lucratif, le négoce ; et les ma-

  1. Les grands dieux.