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NOA NOA

Je m’éloigne, je reviens, je donne les vingt francs au Juif — et le soleil reparait.

Deux jours après, c’était dimanche. Téhura fait sa grande toilette. Les cheveux lavés au savon, puis séchés au soleil, et finalement frottés d’huile parfumée ; la belle robe, un de mess mouchoirs à la main, une fleur à l’oreille, — les pieds nus : elle part pour le temple.

— Et les boucles ? lui dis-je.

Téhura fait une moue de dédain :

C’est du cuivre !

Et, en éclatant de rire, elle franchit le seuil de la case et s’en va, brusquement redevenue grave.

À l’heure de la sieste, dévêtus, simples, nous sommeillons, ce jour-là comme les autres jours, côte à côte, — ou nous rêvons. Peut-être, dans son rêve, Téhura voit-elle briller d’autres boucles d’oreilles.

Moi, je voudrais oublier tout ce que je sais et dormir toujours…

Dieu sait quel jour de l’année — il faisait beau, ce qui ne distingue pas un jour dans l’année tahitienne — nous nous mîmes en tête, un matin, d’aller visiter des amis qui avaient leur case à dix kilomètres, à peu près, de la notre.

Partis à six heures, nous fîmes à la fraîche le chemin, assez vivement, puisque nous étions arrivés à huit heures.