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étoffes et des armes, des hommes et des femmes, et des bêtes.

Nous primes, ma femme et moi, la voiture publique, qui nous déposa, vingt-cinq kilomètres plus loin, à Mataïéa — chez moi.

Ma femme était peu bavarde, à la fois rieuse et mélancolique, surtout moqueuse,

Nous ne cessions guère de nous étudier, réciproquement, mais elle me demeurait impénétrable et je tus vite vaincu dans cette lutte.

J’avais beau me promettre de me surveiller, de me dominer, pour rester un témoin perspicace, mes nerfs n’étaient pas longs à l’emporter sur les plus déterminées résolutions, — et je fus en peu de temps, pour Téhura, un livre ouvert.

À mes dépens, en quelque sorte, et sur ma propre personne, je vérifiais ainsi le profond écart qui sépare une âme océanienne d’une âme latine, et particulièrement d’une âme française. L’âme maorie ne se livre pas tout de suite. Il faut beaucoup de patience et d’étude pour arriver à la posséder. Encore, même alors qu’on croit la connaître à fond, vous déconcerte-t-elle brusquement par les « sautes » les plus imprévues. Mais, tout d’abord, c’est l’Énigme elle-même, ou plutôt une série indéfinie d’énigmes. Au moment où l’on croyait la