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séparaient de l’enfant, puis elle l’enleva dans ses bras et la pressa follement sur son cœur.

Durant quelques minutes on n’entendit qu’un bruit de baisers et de sanglots.

Marguerite se dégagea la première.

— Ce n’est pas vrai ? fit-elle avec l’insistance des enfants gâtés. Tu ne pars pas, dis ? tu ne quitteras pas ta pauvre Gri-Gri, qui t’aime tant !

Et elle fixait sur sa mère adoptive ses grands yeux d’émeraude encore tout humides des larmes à peine essuyées. Marianne se roidit l’espace d’une minute, et faisant un suprême appel à cette puissante volonté qui veillait en elle, elle éloigna légèrement l’enfant.

— Je pars Marguerite, dit-elle la voix à peine distincte, je te quitte ; il le faut.

— Mais je vais t’accompagner, alors ; tu sais bien que je ne veux pas rester ici sans toi !

— Pense à celui qui n’est plus, ma fille, reprit la prévenue presque solennellement ; pense aux serments que tu as faits sur son cercueil, et si tu n’as rien oublié, accepte, comme je le fais moi-même le sacrifice qui nous est imposé.

— Quand reviendras-tu ?

— Je ne le sais pas, ma Gri-Gri. Mais si tu ne me revois plus… ne m’oublie pas !…

Une inexprimable émotion fit de nouveau trembler sa voix ; mais la surmontant encore :

— Écoute, ma chérie, dit-elle plus bas à Marguerite, qui s’attachait à ses vêtements et se tordait de désespoir dans ses bras, écoute : il y a des moments où l’honneur nous impose les plus cruelles épreuves ; plus tard, dans les heures douloureuses de ta vie, souviens-toi de mes dernières paroles, de ce que tu as juré sur la tête de celui que nous pleurons, sacrifie tout au