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3.

La question du nihilisme " à quoi bon  ? " part de l’usage qui fut courant jusqu’ici, grâce auquel le but semblait fixé, donné, exigé du dehors — c’est-à-dire par une quelconque autorité supra-humaine. Lorsque l’on eut désappris de croire en celle-ci, on chercha, selon un ancien usage, une autre autorité qui sût parler un langage absolu et commander des fins et des tâches. L’autorité de la conscience est maintenant en première ligne un dédommagement pour l’autorité personnelle (plus la morale est émancipée de la théologie, plus elle devient impérieuse). Ou bien c’est l’autorité de la raison. Ou l’instinct social (le troupeau). Ou encore l’histoire avec son esprit immanent, qui possède son but en elle et à qui l’on peut s’abandonner. On voudrait tourner le vouloir, la volonté d’un but, le risque que l’on pourrait courir en se donnant un but à soi-même ; on voudrait se décharger de la responsabilité ( — on accepterait le fatalisme). Enfin : le bonheur, et, avec un peu de tartuferie, le bonheur du plus grand nombre.

On se dit :

1) un but déterminé n’est pas du tout nécessaire ;

2) il n’est pas possible de prévoir ce but.

Maintenant que la volonté serait nécessaire dans son expression la plus forte, elle est justement la plus faible et la plus pusillanime. Méfiance abso