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temps considéré « d’un mauvais œil » ses penchants naturels, de telle sorte que ces penchants ont fini par être de même espèce que la « mauvaise conscience ». Une tentative contraire n’aurait en soi rien d’impossible — mais qui donc serait assez fort pour l’entreprendre ? Il s’agirait de confondre avec la mauvaise conscience tous les penchants anti-naturels, toutes les aspirations vers l’au-delà, contraires aux sens, aux instincts, à la nature, à l’animal, en un mot, tout ce qui jusqu’à présent a été considéré comme idéal, tout idéal ennemi de la vie, tout idéal qui calomnie le monde. À qui s’adresser aujourd’hui avec de telles espérances et de telles prétentions ?… On aurait contre soi précisément les hommes de bien ; puis, comme de raison, les gens nonchalants, conciliants, vaniteux, exaltés ou fatigués… Qu’est-ce qui blesse davantage, qu’est-ce qui sépare plus profondément que de laisser voir quelque chose de la rigueur hautaine avec laquelle on se traite soi-même ? Et par contre que de bienveillance, que d’affection nous témoigne tout le monde, dès que nous faisons comme tout le monde et que nous nous laissons aller comme tout le monde !… Pour atteindre ce but, il faudrait un autre genre d’esprits que celui