Page:Nietzsche - Ainsi parlait Zarathoustra (trad. Albert, 1903).djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.
40
AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA

de la vertu. C’est un bon sommeil que l’on cherchait et des vertus couronnées de pavots !

Pour tous ces sages de la chaire, ces sages tant vantés, la sagesse était le sommeil sans rêve : ils ne connaissaient pas de meilleur sens de la vie.

De nos jours encore il y en a bien quelques autres qui ressemblent à ce prédicateur de la vertu, et ils ne sont pas toujours aussi honnêtes que lui : mais leur temps est passé. Ils ne seront pas debout longtemps que déjà ils seront étendus.

Bienheureux les assoupis : car ils s’endormiront bientôt. —

Ainsi parlait Zarathoustra.



DES HALLUCINÉS DE L’ARRIÈRE-MONDE


Un jour Zarathoustra jeta son illusion par delà les hommes, pareil à tous les hallucinés de l’arrière-monde. L’œuvre d’un dieu souffrant et tourmenté, tel lui parut alors le monde.

Le monde me parut être le rêve et l’invention d’un dieu ; semblable à des vapeurs coloriées devant les yeux d’un divin mécontent.

Bien et mal, et joie et peine, et moi et toi, — c’étaient là pour moi des vapeurs coloriées devant les yeux d’un créateur. Le créateur voulait détourner les yeux de lui-même, — alors, il créa le monde.