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plus noble du végétal ; c’est comme l’expression de l’être intime, l’âme cachée et sommeillante du baume, de la rose, de la violette. L’encens laisse comme échapper l’esprit qui l’anime, lorsqu’il se résout en nuages odorants qui montent au ciel. Il est ainsi la figure de la vie de l’homme, vie de sacrifice, qui consume ses forces dans le feu de la charité, au service de Dieu et pour sa gloire.

Cette vapeur embaumée qui se développe sur des charbons embrasés, est aussi l’image de la prière. Celle-ci est, en effet, un don de l’âme à Dieu, une élévation de l’esprit vers le ciel, l’essor du cœur vers les biens invisibles et éternels. Jetés sur des charbons ardents, les grains d’encens envoient vers les hauteurs une agréable odeur. Si notre cœur, semblable à un charbon embrasé, brûle du feu de l’amour de Dieu et d’une piété fervente, notre prière s’arrache à la terre, elle monte vers Dieu comme un parfum délicieux, elle est accueillie avec bienveillance et exaucée[1]. C’est ce qui faisait dire au Psalmiste : « Seigneur, que ma prière s’élève devant votre face comme la fumée de l’encens ». Lirigatur, Domine, oratio mea sicut incensum in conspectu tuo (Ps. cxl. 2). Dans la sainte Écriture, les prières des saints sont comparées à des parfums renfermés dans des coupes d’or, présentées par les vieillards devant le trône de l’Agneau. : Habentes singuli… phialas aureas plenas odorameniorum, quæ sunt orationes sanctorum (Apoc. v, 8). Actes d’adoration, de louange, d’action de grâces, prières, sentiments pieux, soupirs vers le ciel, effusions du cœur : tout cela forme une fumée odorante qui s’élève vers le ciel et pénètre jusqu’au trône de Dieu[2].

De cette signification première de l’encens en découle une autre naturellement et sans effort. La famée de l’encens, symbole de la prière et du sacrifice, ou plutôt la prière et le sacrifice eux-mêmes sont agréables à Dieu, touchent sa miséricorde et attirent sa grâce sur la terre. Aussi la grâce est-elle aussi figurée par l’encens (bonus odor gratiæ). Si la

  1. « Thuribulum est cor humanum, ignis charitas, thus oratio. Sicut thus cum igné in thuribulo redolet et sursum ascendit, sic oratio cum charitate in corde ultra omnia pigmenta fragrescit ». Sicard. 1. 1, c. xiii.
  2. « Orationes sanctorum comparantur hic suffltui, noncuivis, sedodoramentorum : 1) quia oratio instar tliuris sursum ascendit ; 2) quia, sicut thus odoratum, ita orationes sanctorum Deum oblectant ; 3) uti thus fœtorem, ita oratio peccatum abigit Deique iram mitigat ; 4) thymiama fiebat ex aromatibus contusis : sic oratio ex animo mortiflcato et humili procedere débet ; 5) thymiama in igné adolebatur : ita oratio in igné tribulalionum exardescit ». Corn, a Lap., m Ex. xxx, 34.