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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


128

Hélas ! le décret de notre adolescence touche à son terme ! Le frais printemps de nos plaisirs s’est écoulé ! Cet oiseau de la gaieté qui s’appelle la jeunesse, hélas ! je ne sais ni quand il est venu, ni quand il s’est envolé !


129

Au milieu de ce tourbillon du monde, empresse-toi de cueillir quelques fruits. Assieds-toi sur le trône de la gaieté et approche la coupe de tes lèvres. Dieu est insouciant et de culte et de péché : jouis donc ici-bas de ce qui t’agrée.


130

Vois-tu ces deux ou trois imbéciles qui tiennent le monde entre leurs mains, et qui, dans leur candide ignorance, se croient les plus savants de l’univers ? Ne t’en inquiète pas, car, dans leur extrême contentement, ils considèrent comme hérétiques tous ceux qui ne sont pas des ânes (comme eux).


131

Puisse la taverne être toujours animée par la présence des buveurs, puisse le feu prendre au pan de la sainte robe des dévots, puisse leur froc tomber en lambeaux, puisse leur vêtement de laine bleue [1] être foulé aux pieds des buveurs !

132

Jusqu’à quand seras-tu la dupe des couleurs et des parfums d’icibas[2] ? Quand cesseras-tu tes recherches sur le bien et le mal ? Fusses-tu la source de Zèmzèm [3], fusses-tu même l’eau de la vie que tu ne saurais éviter d’entrer dans le sein de la terre.

  1. Cette couleur est réservée en Perse aux moullahs qui ont acquis une grande reputation de sainteté et de science. La couleur verte appartient aux Sè’ids ou descendants du Prophète. Ceux-ci portent ordinairement, pour indiquer leur qualité, un turban de cette couleur sur la tête et un châle pareil à la ceinture.
  2. En persan, ces deux mots couleur et parfum, employés dans cette acception, signifient illusion, fiction.
  3. Source d’eau que Dieu fit surgir près de la Mecque, lorsqu’Agar, femme d’Abraham, accoucha en cet endroit, et qu’ayant soif elle demanda à boire. Cette source a été appelée Zèmzèm à cause de la pureté de son eau. Une autre source de ce nom existe dans le paradis de Mahommed. C’est là que les fidèles se désaltéreront lorsqu’ils auront quitté cette terre de tourments.